Micro-plastiques, surexploitation des sources, litiges avec les locaux… Chaque année, l’industrie de l’eau en bouteille est submergée par de nouveaux scandales au point de ne plus savoir où donner de la tête. Pour déchiffrer ce flot d’informations, Grenades s’est servie de l’IA.
La nouvelle est tombée il y a quelques jours : l’un des puits exploités dans le Gard par la marque de bouteille d’eau pétillante Perrier, du groupe Nestlé, aurait été contaminée par de la matière fécale, d’après l’Agence régionale de santé Occitanie.
L’État a forcé les producteurs de l’eau « gazeuse minérale et extraordinaire » à détruire plus de deux millions de bouteilles. Une révélation qui peut paraitre surprenante pour un secteur réputé pour sa réglementation stricte.
Mais ce n’est pas la première fois que l’industrie de l’eau en bouteille est éclaboussée des scandales.
En janvier dernier, une enquête du Monde et Radio France a révélé que près d’un tiers des bouteilles d’eau minérale en France avaient été purifiées avec des « traitements non conformes à la réglementation ». L’an dernier, Volvic, du groupe Danone, a été accusé de surexploiter les ressources en eau au point de ne plus en laisser assez pour les habitants. En 2022, c’est le groupe Alma, qui compte Cristalline et St-Yorre, qui a été épinglé pour pollution.
Un million de bouteilles vendues chaque minute
Viennent s’ajouter à cette montagne d’infos, de nombreux rapports d’ONG, d’associations et d’organisations internationales, qui mettent en garde contre les déchets causés par cette industrie, la présence de microplastique dans l’eau en bouteille, ou les enjeux financiers des producteurs.
Un million de bouteilles sont vendues dans le monde chaque minute, d’après un rapport d’Oxfam, parfois à des prix 1 000 fois plus élevés que celui de l’eau du robinet. La pollution causée par ce produit à usage unique, qui mêle une ressource naturelle essentielle à l’homme et le plastique – un produit issu du pétrole – n’est donc pas surprenant.
Réutiliser une bouteille d’eau en verre au moins trois fois permettrait d’ailleurs d’économiser près de 50 000 tonnes de CO2 par an, d’après Greenpeace, soit l’équivalent des émissions carbone de près de 6 000 Français pendant un an.
Alors comment savoir si votre bouteille d’eau sème la zizanie ? Pour naviguer entre conflits environnementaux, querelles locales et vous éviter de boire du caca, Grenades a créé sa propre base de données, boostée par l’intelligence artificielle.
Grâce à une sélection de plus de 140 articles de presse et de rapports pertinents (que nous n’aurions pas pu lire dans le temps imparti), notre plateforme fournit des fiches d’identités concises et digestes pour toutes les marques d’eau françaises.
Le top cinq des bouteilles d’eau les plus consommées en France n’est pas le fruit de notre propre rédaction, mais celui d’une intelligence artificielle que nous avons programmée. Il pourra peut-être vous aider à mieux naviguer le vaste univers de l’eau en bouteille.
Rendez-vous ici pour tester vous-même jusqu’à la fin mai 2024 (attention, ChatGPT 4.0 est nécessaire).
Le top cinq des bouteilles d’eau les plus consommées en France
- CRISTALINE, marque appartenant au groupe Roxane, également connu sous le nom d’Alma.
- Cristaline est impliquée dans plusieurs controverses environnementales, notamment l’acquisition d’une nappe phréatique à Montagnac (Hérault) pour un montant de 30 000 euros, avec un impact significatif sur les ressources en eau locales. Le pompage excessif pourrait entraîner des pénuries d’eau pour la communauté locale, en particulier durant les périodes de sécheresse. Cette situation a suscité l’opposition de nombreuses associations environnementales, soulignant le risque de pollution et les impacts négatifs sur l’écologie régionale.
- Le groupe Roxane a été réprimandé pour plusieurs infractions environnementales dans ses usines en France. Par exemple, l’usine de Guenrouët près de Nantes (Loire-Atlantique) a été inspectée en 2022 et des non-conformités en matière de sécurité incendie et de qualité de l’eau ont été constatées. De plus, son site d’Ardenay-sur-Mérize (Sarthe) est suspecté de déversements d’effluents polluants, ce qui a conduit à des actions judiciaires.
- Les informations sont tirées des rapports d’enquête et des articles de médias français tels que Reporterre, Mediapart, et Le Monde.
2. PERRIER, une eau gazeuse de la marque Maison Perrier, qui appartient au groupe Nestlé.
- En 2024, un incident majeur a concerné la contamination des eaux de Maison Perrier à Vergèze (Gard). Une contamination par des bactéries d’origine fécale, incluant des coliformes et E. coli, a été identifiée. Suite à cela, deux millions de bouteilles ont dû être détruites par précaution pour éviter des risques sanitaires. Cet événement a entraîné la suspension immédiate de l’exploitation d’un puits de la source.
- Nestlé Waters, filiale de Nestlé, a été confrontée à des critiques pour avoir employé des traitements interdits sur les eaux minérales, telles que la filtration sur charbon actif et la désinfection par UV, malgré les réglementations qui exigent que les eaux minérales naturelles soient exemptes de tout traitement. Cela a conduit à une remise en question de la qualité de l’eau fournie aux consommateurs et a ébranlé la confiance du public dans les pratiques de l’entreprise.
- Les informations sur les litiges concernant Maison Perrier et le groupe Nestlé sont extraites des documents de ilovepdf_merged-3.pdf et de ilovepdf_merged-5.pdf.
3. EVIAN, groupe Danone.
- Evian a été impliquée dans un scandale concernant la contamination de ses eaux en bouteille par des particules de plastique. Une étude a révélé du plastique dans 93 % des échantillons d’eau en bouteille de marques comme Aqua, Aquafina, Dasani, Evian, Nestle Pure Life et San Pellegrino, avec une moyenne de 10,4 particules de plastique par litre.
- Danone a été accusé de plusieurs pratiques controversées, notamment l’usage de méthodes de purification interdites sur ses eaux en bouteille, comme l’utilisation de lumière ultraviolette et de filtres à charbon actif, en violation de la réglementation française qui interdit la désinfection de l’eau minérale. De plus, des associations comme Foodwatch et Surfrider Foundation Europe ont assigné Danone en justice pour pollution plastique.
- Les informations proviennent des articles de Ouest-France, Le Monde, ainsi que des communiqués de Foodwatch et des rapports environnementaux cités dans les documents consultés.
4. BADOIT, une marque d’eau minérale naturelle gazeuse qui appartient au groupe Danone, une multinationale agroalimentaire française.
- Badoit a été impliquée dans des tensions commerciales récentes avec des chaînes de supermarchés en France, notamment Intermarché, concernant une hausse des prix demandée par Danone de 22 %. Cette dispute a conduit à des ruptures de stock de Badoit dans certains supermarchés dès octobre 2022, ce qui a suscité des critiques sur la gestion des prix et l’approvisionnement par Danone.
- En plus des disputes commerciales, Danone a été critiqué pour sa gestion sous la pression de fonds d’investissement, dits “activistes”, qui contestent la gestion de l’entreprise et influencent sa politique de gestion des marques d’eau comme Badoit. Ces tensions internes reflètent des défis plus larges concernant la stratégie et la gouvernance de l’entreprise.
- Les informations sont principalement issues des documents issus du Midi Libre et du rapport exclusif de Rayon Boissons.
5. SAN PELLEGRINO, une eau minérale gazeuse italienne, qui appartient au groupe Nestlé.
- San Pellegrino n’a pas été spécifiquement mentionné dans les litiges récents ou les controverses majeures dans les documents disponibles. Cependant, en tant que partie du groupe Nestlé, elle peut être indirectement impliquée dans les litiges liés au groupe.
- En 2021, Nestlé a été critiqué pour l’exploitation excessive des ressources en eau, notamment dans des régions comme Vittel (Vosges), où l’entreprise a été accusée de pomper plus d’eau que les niveaux de recharge naturelle de l’aquifère, entraînant des tensions locales et des problèmes environnementaux.
- Les principales sources mentionnant ces informations incluent des articles de médias et des rapports de groupes environnementaux, mais les détails spécifiques sur San Pellegrino et ses litiges propres ne sont pas directement documentés dans les documents disponibles.
Boîte noire
Dante IA
ChatGPT
Copilot
Midjourney
Perplexity
Phind
Poe
You
Le projet de base était ambitieux : une application type Yuka, qui mettrait en garde les utilisateurs contre les potentiels litiges de leur eau en bouteille préférée. Une plateforme qui nécessiterait un peu de code donc, mais rien d’impossible avec l’IA. C’est du moins ce que je pensais.
Bien que j’y ai tout de même consacré une heure et demie dû à mon manque de maîtrise, la photo d’en-tête était la partie la plus facile de ce projet. J’ai généré plusieurs options sur Midjourney et j’ai joué avec le fond, le style de l’étiquette, la luminosité et d’autres détails comme le cadrage de l’image. Seule difficulté : savoir quand s’arrêter, quand il n’y a littéralement pas de limite.
Puis je me suis tournée vers ChatGPT pour entrer dans le cœur de mon projet. Le but étant de créer un GPT (Generative Pre-trained Transformer), c’est-à-dire une IA qui donne les meilleures réponses possibles grâce à son analyse de la langue. L’application m’a certes proposé un code et une démarche à suivre pour créer mon app – que j’ai décidé d’appeler Eau-O – mais il fallait déjà avoir un certain niveau en développement.
Malgré une explication plus accessible, que je lui ai demandée de me fournir, les étapes que ChatGPT m’a proposées n’étaient pas facilement réalisables (des liens à établir avec Google Cloud que je n’ai pas réussi à faire fonctionner par exemple). Lorsque je lui ai demandé de m’aider à connecter mon GPT personnalisé avec le WordPress grâce à un API, je me suis une fois encore perdue dans la démarche à suivre au-delà des quelques premières étapes. Si vous êtes pressé et que vous n’avez pas d’expérience en code, ChatGPT ne pourra pas (encore) vous sauver.
Créer mon propre GPT (expert dans un sujet grâce aux données que je lui aie fournies) a toutefois été relativement simple. En quelques clics, Eau-O est né. Lors des tests initiaux, sans données spécifiques, les réponses de l’outil étaient plutôt génériques, souvent dérivées des informations disponibles sur les sites Web des marques. Mais, plus j’ai affiné mon prompt, (en lui spécifiant des exemples de réponse, un ordre des bullet points attendus), plus mes réponses ont ressemblé à ce que je voulais.
J’ai réécrit mon prompt 12 fois – d’abord avec des gros changements, puis des plus petits – pour peaufiner le résultat. « N’utilise pas les informations sur le web », « Donne-moi un hyperlien dans les sources, ma vie en dépend » ou « ne cite pas Wikipédia » étaient certaines des techniques utilisées pour obtenir le résultat voulu.
Pour étoffer les réponses, j’ai cherché des rapports et articles de presse sur d’autres moteurs de recherche boostés à l’IA (You, Phind, Perplexity AI…). Même si Copilot de Bing et ChatGPT d’OpenAI m’ont été les plus utiles, dans la plupart des réponses et malgré des prompts de plus en plus précis, les réponses étaient les mêmes : « Je ne peux pas chercher pour vous, mais voici comment faire sur un moteur de recherche ». J’ai donc trouvé toutes mes sources « à la main » avec Google. Au total, j’ai sourcé 144 articles de presse ou rapports pour ce projet.
C’est au moment de « nourrir la bête », que les choses se sont gâtées. ChatGPT n’accepte pour l’heure que des PDF dans lesquels il puise les informations et j’ai donc dû convertir tous les articles de presse trouvés. J’ai d’abord cru que le système était lent et bugguait souvent, puisque l’app s’était déjà verrouillée dû à une utilisation trop intense, malgré un compte payant. Puis, j’ai appris que ChatGPT n’acceptait que 20 PDFs, de 500 MB max. J’ai donc dû reprendre tous mes fichiers et les fusionner pour que mon espace “Knowledge” soit désormais requêté sur la base unique des 144 articles que j’ai sélectionnés.
De manière générale, cette expérience a soulevé de nombreux questionnements : pour configurer mon ChatGPT personnalisé, j’ai dû sélectionner de nombreuses sources, mais uniquement issues de médias et d’ONG. Et je n’ai pas laissé la place au contradictoire des groupes de l’industrie de l’eau.
Est-ce éthique de diriger ainsi l’information dans un seul sens ? N’est-il pas trop facile de créer ce genre d’outil ? Et s’il tombait entre de mauvaises mains ? Eau-O est un outil simple qui sensibilise les consommateurs aux litiges causés par l’eau en bouteille. Mais il peut très facilement être reconditionné pour devenir un monstre de Frankenstein qui expliquerait que l’eau en bouteille fait un bien fou à la planète. D’où l’importance d’avoir eu l’occasion de tester cet outil et de mesurer ses atouts et ses limites dans ma pratique journalistique.