Le samedi 25 mars 2023, le petit village de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, a été le théâtre de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Au centre du conflit, une mégabassine en construction et en filigrane la question de l’utilisation de la ressource en eau. Retour sur cet événement marquant avec une revue illustrée générée avec Midjourney.
BANDE DESSINÉE À LIRE CI-DESSOUS
Ce grand réservoir d’eau artificiel, perdu au milieu des champs agricoles, est une réserve de substitution d’irrigation, plus communément appelée bassine ou mégabassine. Comme son nom l’indique, elle permet l’irrigation des surfaces agricoles en période de sécheresse. Pour cela, l’eau est pompée dans des nappes phréatiques et cours d’eau pendant l’hiver, et est stockée dans ces bassines jusqu’à l’été.
Le dérèglement climatique provoque des épisodes de sécheresse de plus en plus récurrents. Les agriculteurs en sont les premières victimes. Les mégabassines sont, selon eux, le meilleur outil de gestion de l’irrigation des terres pour faire face à ces changements et ainsi assurer la sécurité alimentaire. Ils soutiennent que cet équipement permet de diminuer la pression sur les ressources en été, période où les nappes phréatiques sont au plus bas.
Mais ces mégabassines ne font pas l’unanimité. Du point de vue des opposants — militants écologistes et certains scientifiques entre autres —, les bassines sont un non-sens. Elles priveraient les écosystèmes environnants d’une ressource vitale, nécessaire à leur reconstitution en hiver. Autre problème qu’ils identifient, l’eau stagnante s’évaporerait et favoriserait le développement de bactéries et de micro-algues, dégradant la qualité de l’eau. Une partie du milieu agricole s’y oppose aussi. Au micro de France Inter en 2022, Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne, parlait « d’une privatisation de l’eau par une minorité d’agriculteurs ». Soit « 6 % du monde agricole. »
Le samedi 25 mars 2023, les contradicteurs font savoir leur opposition en se rassemblant à Sainte-Soline, petit village français du département des Deux-Sèvres. Ils se rendent au pied d’une mégabassine en construction. Ce nouveau réservoir, qui s’étale sur seize hectares, devrait à terme pouvoir contenir 628 000 m3 d’eau, l’équivalent de 250 piscines olympiques.
Face aux manifestants, environ trois milliers de gendarmes et policiers sont déployés pour éviter qu’ils ne s’en prennent au chantier en cours. Les forces de l’ordre sont lourdement armées ; certaines unités sont même sur des quads. Une semaine avant, le 17 avril, la préfecture des Deux-Sèvres, située à Niort, avait publié un arrêté interdisant la manifestation.
À l’appel du collectif Les Soulèvements de la terre, de Bassines non merci et de la Confédération paysanne, les opposants aux mégabassines répondent présents. Les organisateurs estiment qu’il sont environ 30 000 ; quatre fois moins selon les autorités. Ce samedi, la situation dégénère et la commune de Sainte-Soline est le théâtre de fortes tensions entre les deux camps.
La gendarmerie précisera après coup que les manifestants ont utilisé des mortiers contre les forces de l’ordre. Plusieurs de leurs fourgons sont incendiés. Un affrontement qui fait réagir le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur X (ex-Twitter) le jour même : « Inqualifiable, insupportable. Personne ne devrait tolérer cela. Soutien total à nos forces de l’ordre. » Un journaliste de France Info constate que des manifestants ont percé une vanne en acier de la future bassine à l’aide d’une meuleuse.
5 015 grenades lacrymogènes, 89 grenades de désencerclement, 40 grenades ASSD assourdissantes et 81 LBD ont été tirés par les autorités d’après la préfecture. Les observatoires des libertés publiques et des pratiques policières notent « une intensité exceptionnelle et un usage immodéré du recours à la force ».
Les affrontements font des blessés des deux côtés. Après la manifestation, 47 militaires et sept manifestants ont été pris en charge par les secours, dont trois civils en urgence absolue et deux militaires en urgence relative, a rapporté France Info. Les organisateurs parlent, quant à eux, de 200 manifestants blessés, dont 40 grièvement. Une manifestation violente qui n’a pas eu les résultats escomptés pour les opposants, car un an après, le chantier suit son cours. Et fin mars 2024, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a promis qu’une centaine de bassines seraient construites d’ici la fin de l’année.
Boîte noire
Midjourney
ChatGPT
Pour ce média-école original, j’ai rapidement eu l’idée de réaliser un « article » sous forme de récit en bande dessinée grâce aux IA génératrices d’images. Au préalable, je précise que je ne suis pas formé à l’utilisation de Photoshop, InDesign et autres logiciels de conception et édition graphique.
Pour commencer, je souhaite créer une image de mégabassine dans un style aquarelle. Style que j’utilise pour toutes les images. La prise en main de Midjourney est difficile pour moi. Je ne définis pas, au préalable, combien de dessins je vais générer. Je me dis que ce sera en fonction de mon avancement et de ma capacité à les créer, rapidement ou pas. Il me faut 25 essais pour générer la première image. Un dessin que je ne vais finalement pas retenir, mais qui me sert de base pour les suivants, en particulier pour essayer de maintenir un style constant.
En parallèle, je lis des articles et regarde des vidéos pour comprendre comment fonctionne cette IA et ses différentes fonctions. Néophyte, je dois me résoudre à créer seulement huit images pour mon récit. Il m’aura fallu trois jours pour les générer.
Difficultés rencontrées : générer des textes dans les images est très complexe, je décide donc de ne pas faire de bulles et de mettre les informations à côté des dessins. Autre difficulté, il est impossible de partir d’une image importée, une photo par exemple, pour en faire un dessin.
Malgré des prompts qui me semblent simples, l’IA ne génère pas toujours ce que je souhaite. Par exemple, je lui demande à plusieurs reprises de me générer des CRS, de face. Pourtant, mon prompt est clair : « In a field in the Deux-Sèvres region of France, French CRS personal stand in a line facing us. Behind them, a large water reservoir is under construction. Next to them, a police van is on fire. The sky is gray ». Résultat : ils sont de dos. Après de nombreux essais et plusieurs heures à m’arracher les cheveux, j’arrive à en avoir un de face, 26 essais plus tard. L’image gagnante est issue de deux images différentes. La première a été générée avec ce prompt : « A group of French riot police, standing in a row, facing us, fully equipped, in a plain field in France, fields all around ». Puis, je modifie une partie de l’image avec la demande suivante : « This policeman in watercolor style ».
Midjourney précise dans ses conditions d’utilisation que « les utilisateurs ne peuvent pas utiliser ses services pour générer des images pour des campagnes politiques, ou pour essayer d’influencer le résultat d’une élection ». Ce qui pourrait expliquer pourquoi Midjourney a généré beaucoup d’images de policiers de dos. Mais il n’y a toutefois pas de consignes particulières, précises, concernant les policiers ou militaires.
En revanche, pour l’image des manifestants, je l’obtiens dès le premier prompt : « A crowd of demonstrators in overalls with breathing masks over their noses. They are in a field in the Deux-Sèvres region of France. They’re facing us, holding placards with the words “l’eau est à tout le monde” written on them. Some are holding umbrellas. Behind them, there are other demonstrators dressed in civilian clothes ».
Pour obtenir un résultat satisfaisant, je répète plusieurs fois la même demande, ce qui est long et fastidieux ; une petite retouche sur un emplacement de l’image peut être très difficile à obtenir. Et quelquefois, cela peut modifier complètement l’image. Le temps file. Je dois parfois changer de méthode pour générer une image. Et générer plusieurs fois la même image car le style est trop éloigné du style que j’ai choisi initialement.
À force de pratique, j’ai compris comment utiliser le logiciel pour obtenir des résultats satisfaisants.
N’étant pas un dessinateur, l’IA m’a, de fait, aidé. Si j’avais dû dessiner les images que j’ai générées avec l’IA, j’aurais mis plus de temps. Un dessinateur l’aurait fait beaucoup plus rapidement et sûrement mieux.
Avec une maîtrise quasi-parfaite de cette IA, je pense qu’il est possible de produire un article plus détaillé avec la forme d’une bande dessinée. En revanche, je ne crois pas que cela soit plus intéressant qu’une collaboration entre un journaliste et un dessinateur, que ce soit économiquement et sur le rendu final. L’IA n’étant pas consciente de sa production, elle ne se rend pas compte des petites erreurs, incohérences, détails non souhaités, qui se glissent dans chaque image et qui seront très difficiles à gommer. Alors qu’un dessinateur ne fera pas ces erreurs, et si c’est le cas, les corrections seront faciles à réaliser.
Toutefois, l’utilisation de l’IA conjuguée à des logiciels comme Photoshop ou InDesign, pourrait donner des résultats très intéressants. Par exemple, si une image générée dès le premier prompt est intéressante, mais comporte quelques erreurs, l’utilisation de Photoshop pourrait permettre d’obtenir une image convenable en quelques minutes, plutôt que de se borner à l’utilisation de l’IA, ce que j’ai fait pour l’expérience.